Note : ★★★★★
Une fusée littéraire pas comme les autres
Dès les premières pages de Clamser à Tataouine, on comprend qu’on ne lit pas un roman classique. On est catapulté dans le cerveau – en surchauffe – de Raphaël Quenard, acteur caméléon et désormais écrivain explosif. Il ne raconte pas une histoire, il la crache, la jette, l’enroule, la rembobine, la repeint en couleurs vives, tout en invoquant Verlaine, les daronnes et les bastos. Et ça fonctionne. Merveilleusement.
Une voix brute, drôle et ultra singulière
Ce n’est pas qu’un style, c’est une langue. L’argot se mêle à des envolées poétiques, les punchlines pleuvent, et le texte dérape volontairement dans une prose orale, vivante, parfois absurde, toujours inventive. L’auteur joue avec les mots comme un boxeur joue avec son adversaire : il feinte, il frappe, il caresse, il cogne. Et à chaque page, on sent l’urgence, la sincérité, l’intelligence derrière la mitraillette verbale.
C’est trash ? Oui, souvent. C’est drôle ? Tout le temps. Mais c’est surtout incroyablement bien écrit. Derrière le verbe haut, il y a une vraie mélancolie, une profondeur, une tendresse même, pour les paumés, les marginaux, les abîmés.
Une autofiction qui déraille… dans le bon sens
Dans ce premier roman, Quenard s’inspire librement de sa propre jeunesse. On y suit un narrateur à la marge, désabusé mais pas résigné, qui observe le monde avec un mélange de défiance et d’émerveillement. C’est un peu le journal d’un môme trop lucide, qui rêve fort et qui peste plus fort encore. Il y a de la violence sociale, du désespoir, mais aussi des éclairs d’humanité foudroyants.
Et puis il y a Tataouine, ce lieu fantasmé, presque mythologique, dont on ne sait pas vraiment s’il existe ou s’il sert juste de ligne d’horizon, de ligne de fuite. Peu importe : c’est l’élan qui compte.
Un ovni littéraire qui fait un bien fou
Clamser à Tataouine n’essaie pas de plaire à tout le monde, et c’est précisément ce qui fait sa force. On rit, on tique, on relit des phrases à voix haute juste pour le plaisir. On a parfois l’impression d’assister à un one-man show littéraire, mais d’un type qui aurait potassé Céline, Desproges et Booba dans la même nuit blanche.
Ce livre, c’est un coup de boule poétique. Une déclaration d’amour à la langue française – la vraie, la tordue, la populaire, la vivante. Et en filigrane, un message : la marge pense, la marge rêve, la marge écrit aussi, et c’est beau à lire.
Verdict final
Raphaël Quenard signe un premier roman inclassable, électrique, audacieux. Clamser à Tataouine, c’est une claque littéraire doublée d’un feu d’artifice verbal. À lire si tu veux sortir des sentiers battus, rire jaune, pleurer sans prévenir, et te souvenir que la littérature peut encore surprendre, déranger et secouer. Bref : un pur bonheur de lecture.