Note : ★★★★☆
Paris occupé. Claudette, romancière juive reconnue, est arrêtée puis déportée à Auschwitz. Au camp, la faim, la peur et l’arbitraire dictent chaque geste. Pour tenir, elle fait ce qu’elle sait faire : raconter. Le soir, des femmes se rassemblent autour d’elle ; les histoires repoussent quelques minutes le froid et l’horreur. Le roman revendique la fiction mais s’appuie sur des trajectoires crédibles, ce qui lui donne un ancrage sensible.
Une héroïne qui oppose la parole au néant
Claudette n’est ni sainte ni héroïne providentielle. Sa force tient à la langue : tisser du lien, recoller des identités disloquées, rappeler à chacune qu’elle n’est pas qu’un numéro. La littérature devient un acte de survie psychique, une façon de reprendre prise sur ce qui broie, ne serait-ce qu’un instant.
Un récit accessible, documenté, sans fioritures
L’écriture est fluide, directe, pensée pour embarquer sans effet pesant. Les chapitres courts alternent scènes du camp et réminiscences parisiennes, dans une construction classique mais efficace. Le travail de documentation se lit dans les détails du quotidien, l’organisation des blocs, les hiérarchies internes ; l’autrice évite le sensationnel et reste au plus près des vies de femmes.
Ce que le livre réussit
Le roman convainc lorsqu’il montre comment une communauté se fabrique malgré tout : une couverture partagée, un quignon de pain, une histoire murmurée. La « conteuse » n’assène pas de morale ; elle offre un temps suspendu. Cette modestie, alliée à une mise en scène claire, donne au texte sa force émotionnelle.
Les limites
La volonté de rester très accessible conduit parfois à survoler la complexité historique et psychologique. Certaines silhouettes demeurent esquissées et quelques scènes auraient gagné à être davantage nuancées. On lit un roman de transmission plus qu’une fresque exhaustive : l’objectif est de faire sentir et comprendre, pas d’épuiser le sujet.
Verdict
Un roman de mémoire lisible et juste, qui rappelle le pouvoir têtu des histoires quand tout vacille. La conteuse d’Auschwitz n’innove pas formellement et privilégie la clarté, l’empathie et la tenue. Une porte d’entrée solide – souvent bouleversante – pour partager ces thèmes et y revenir.